La Fondation Friedrich Ebert a procédé jeudi 24 mars 2022 au lancement officiel du Baromètre des Médias Africains Bénin 2021. C’était à l’occasion d’une cérémonie organisée à l’École Nationale des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication de l’Université d’Abomey-calavi.
Les résultats du rapport Bénin 2021 du Baromètre des Médias Africains (BMA) sont désormais connus. Ils ont été rendus public jeudi 24 mars à l’Université d’abomey-calavi huit mois après le panel du Baromètre tenu à Dassa-Zoumé (Bénin) ayant réuni 10 à 12 experts. Ceux-ci se sont basés sur 39 indicateurs prédéterminés pour évaluer la situation des médias de leur pays.
La Représentante résidente de la FES-Bénin, Dr. Iris Nothofer a rappelé que le BMA est une longue tradition pour la Fondation Friedrich Ebert non seulement au Bénin, mais aussi dans toute l'Afrique subsaharienne. « Ici au Bénin cette belle aventure a démarré en 2009 et nous présentons aujourd'hui la cinquième édition. L’analyse croisée de ces cinq rapports montre aussi bien des avancées, des stagnations que des régressions inquiétantes enregistrées au cours des douze dernières années », a-t-elle noté. Pour Iris Nothofer, c’est à la presse qu’incombe la lourde responsabilité d’assurer l’information, l’éducation et la participation citoyenne. Pour jouer à bien ce rôle, elle a relevé la nécessité pour la presse d’avoir un environnement favorable et des normes propices.
Avec le BMA, la Fondation Friedrich Ebert et le MISA entend créer un document de référence pour les professionnels des médias, les décideurs politiques, les organisations de la société civile, et les institutions internationales. Il est sans doute un instrument qui peut aide les acteurs locaux à créer des conditions propices au développement et au maintien d’un secteur des médias indépendant et pluraliste. C’est par ailleurs, un instrument de lobbying pour les réformes et les améliorations dans le secteur des médias.
Le Directeur de l’École Nationale des Sciences et techniques de l’Information et de la Communication, Dr Ferdinand KPOHOUE a félicité et remercié la Fondation pour cette vision pédagogique. Il a exprimé sa volonté de voir se poursuivre la relation entre les deux institutions qui ont à cœur la promotion du secteur des médias.
Pour rappel, le Baromètre des Médias Africains (BMA) est une description profonde et compréhensive et un système d’évaluation de l’environnement médiatique sur le continent africain. À la différence d’autres enquêtes de presse ou des médias, le BMA est un exercice d’auto-évaluation effectué selon des critères découlant des protocoles et déclarations africains comme la Déclaration des principes de la liberté d’expression en Afrique (2002) de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Cet instrument a été développé conjointement par Fesmedia Africa, le projet média de la FES en Afrique et le MISA en 2004.
C’est à Mme Dorice DJETON, contributrice du BMA Bénin qu’est revenu le soin de présenter le résumé du rapport. Elle a indiqué que le Baromètre des Médias Africains Bénin 2021 s’est intéressé à 4 secteurs à savoir : la protection et la promotion de la liberté d’expression, y compris la liberté des médias ; la diversité, l’indépendance et la durabilité du paysage médiatique, y compris les nouveaux médias ; la transparence et l’indépendance dans la régulation de la communication audiovisuelle avec un accent sur le diffuseur public ; l’exercice de normes professionnelles de haut niveau par les médias.
Le panel a reconnu que la liberté d'expression est garantie par la Constitution du Bénin. Les articles 23 et 24 de la loi fondamentale adoptée en 1990 et révisée en 2019 en disent long. Cette liberté est aussi protégée par la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) à travers la loi organique . Dans l'arsenal normatif garantissant et protégeant ainsi la liberté d'expression et la liberté de la presse, on retrouve aussi le Code de l'Information et de la Communication adopté en 2015.
Par contre, à la pratique, l’analyse de plusieurs faits et événements ayant eu lieu au Bénin ces trois dernières années a montré que l’exercice de la liberté d’expression, bien qu’effectif, ne se fait pas sans crainte. Les syndicalistes, les militants des droits humains, les journalistes, les dignitaires des religions endogènes, même de simples citoyens, se sentent menacés quand il s’agit d’exercer leur droit à la liberté d’expression. Généralement ils redoutent la probabilité de dossiers d’accusation montés par les autorités contre eux. Des hommes d’affaires et entrepreneurs se sentent aussi ciblés à travers des pressions fiscales ou des contrôles intempestifs de leurs entreprises.
Le Code du numérique voté en 2017 est également une source de craintes pour les citoyens y compris les journalistes béninois. Le journaliste Ignace Sossou, aujourd’hui en liberté, en a d’ailleurs fait les frais.
Ainsi, la crainte de représailles pousse les organes de presse à pratiquer l’autocensure. Il y règne une sorte de psychose créée pour que les journalistes ne puissent pas exercer leur liberté de parole librement. Des craintes existent également avec l’utilisation des réseaux sociaux. Il y a en définitive, une restriction avérée de l’espace civique de manière générale et les citoyens ont peur d’être mis sous écoute.
Le panel a fait constater que la détermination avec laquelle la société civile se mobilisait auparavant pour défendre la cause des médias a fortement baissé ces dernières années. Cette société civile est « en train de s’éteindre dans le pays ». Nombre de ses membres ont rejoint le pouvoir en place.
Par ailleurs, la loi protège les sources d’information même s’ il y a eu des cas où le procureur a tenté, au cours d’une audition, de forcer les journalistes à révéler leurs sources. Mais ils ont souvent refusé, sans y être contraints. La loi portant sur la lutte contre la corruption et autres infractions connexes protège également les dénonciateurs et témoins.
Depuis cinq ans par exemple, une loi sur l’accès à l’information est toujours au Parlement attendant d’être votée. Par contre, le Code de l’information et de la Communication a des dispositions qui accordent le droit aux citoyens d’accéder aux documents publics.
Pour rappel, il existe légalement au Bénin 72 quotidiens d’information, huit hebdomadaires et quatre bihebdomadaires, plus de 90 stations de radios, une quinzaine de chaînes de télévision dont des web télévisions, et des sites web d’information. La radio vient en tête des sources d’information des populations, avec plus de six citoyens sur 10 (61%) qui disent y recevoir des informations quotidiennement. En 2018, sur les 11 millions de Béninois, plus de 9 millions disposaient d’un abonnement à un téléphone mobile qui, connecté à internet sert aussi de canal d’information.
L’appui de l’État à la presse privée et le financement des médias publics institués par la loi n’ont pas été mis en œuvre de façon adéquate ces dernières années. Les médias privés n’ont pas reçu d’aide de l’État depuis plus de cinq ans. Le Code de l’Information et de la Communication a institué la création d’un Fonds d’appui pour le développement des médias (FADEM) qui n’est pas encore totalement opérationnel.
La taille du marché de la publicité dans les médias béninois est inconnue. Il n’existe pas un mécanisme ou une structure dédiée au développement du secteur du marché de la publicité. Le pays ne dispose pas d’une loi spécifique qui organise et réglemente le marché de la publicité dans les médias. Seul un chapitre du Code de l’Information et de la Communication traite des généralités de la publicité dans les médias. Son Article 177 indique: « La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication assure le contrôle du contenu des messages publicitaires…»
La législation sur l’audiovisuel organise un environnement favorable à l’audiovisuel public, privé et communautaire. Cette législation concerne notamment la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et le Code de l’Information et de la Communication. Une convention d'installation et d'exploitation de radiodiffusion et de télévision est généralement signée entre la personne qui en fait la demande et la HAAC qui agit au nom de l'État.
L’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) est le diffuseur public. Son conseil d’administration est désigné selon la récente loi ; Loi 2020-20 du 02 septembre 2020 portant création, organisation et fonctionnement des entreprises publiques qui réduit le nombre des membres du conseil d’administration de sept à cinq. Les travailleurs et leurs syndicats n’y sont pas représentés. L’ORTB subit une très forte influence politique de la présidence de la République, particulièrement la télévision. La radio nationale semble manifestement moins « politisée» selon le panel. L’ORTB n’est pas correctement financé.
Les médias font généralement « une couverture à la carte » qui n’est pas souvent équitable pour toutes les minorités. Les radios diffusent des informations et programmes en langues locales et nationales qui prennent en compte les minorités linguistiques. Les adeptes des cultes des religions endogènes estiment que leurs voix ne sont pas suffisamment représentées au même niveau que les voix des religions importées. Les médias couvrent tous les sujets, notamment des perspectives économiques, culturelles, politiques, sociales, locales. Le véritable problème est le manque de journalisme d’investigation qui est lié au modèle économique des médias dans le pays. Comme a dit un panéliste, c’est un « modèle économique de prestation de service » qui rend ces médias redevables et dépendants des entités qu’ils couvrent dans le cadre de leur travail. Les radios privées offrent généralement des émissions de qualité. La plupart sont plus ouvertes au public en adaptant leurs contenus aux profils et intérêts des citoyens et des auditeurs.
Dans l'ensemble, il faut reconnaître que le niveau de traitement de l'information n'obéit pas souvent aux principes de base d'exactitude et d'équité dans les médias. Surtout dans les médias en ligne, à l'exception d'un petit nombre dont le site d'informations « Banouto », le traitement de l'information est assez déséquilibré avec une violation flagrante des règles d'éthique. Il existe un Code national de déontologie des journalistes mis en œuvre par l'Observatoire de la déontologie et de l'éthique dans les médias (ODEM) qui reçoit assez souvent des plaintes du public. Mais l'autorégulation a été ralentie ces trois dernières années à cause d'une crise interne à l'ODEM. L'autocensure est pratiquée dans la presse béninoise.
Les niveaux de salaires et les conditions générales de travail des journalistes et des autres professionnels des médias sont à minima. La Convention collective des travailleurs des médias prévoit un salaire mensuel minimum du journaliste débutant à 77.000 francs CFA (environ 150 dollars américains). La plupart des organes de presse ne payent que la moitié de ce montant. Les médias du service public payent presque le double de ce montant au journaliste débutant.
L’égalité des chances sans distinction de race ou d'origine ethnique, de groupe social, de genre ou sexe, de religion, de handicap et d’âge n’est pas systématiquement promue dans les organes de presse. Dans les médias publics béninois, un très faible pourcentage de femmes est promu à des postes de responsabilité. Il en est de même dans le privé où quelques femmes dirigent des organes de presse.
Les journalistes et autres professionnels des médias sont organisés en syndicats et en associations professionnelles qui défendent leurs intérêts, mais pas de manière effective. L’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB) est la faîtière de ces associations et syndicats des professionnels des médias. Le patronat de la presse est également regroupé autour du Conseil National du Patronat de la Presse et de l’Audiovisuel (CNPA). Les professionnels des médias ont accès aux structures de formation qui offrent des programmes de qualification formelle ainsi que des possibilités d'améliorer leurs compétences. Depuis dix ans ou plus, les offres de formation dans le domaine des médias se sont accentuées au Bénin. Pour preuve, l’École Nationale des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ENSTIC) qui nous accueille ce soir a été créée depuis plus d’une dizaine d’années (2011) à l’Université d’Abomey-Calavi. Les étudiants y ont accès sur concours ou étude de dossier. En outre, le Bénin compte également 14 instituts privés de formation en journalisme et communication.
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